Survivre dans la fragilité

Les temps sont durs, la vie est rude et chacun se replie dans son coin. Les politiciens parlent, les actes manquent et le coût de la vie augmente. Qui peut encore dire que tout va bien ? Ceux qui débordent d’argent jusqu’à ne plus savoir qu’en faire sont encore épargnés. Mais jusqu’à quand ? Un jour où l’autre, certains d’entre eux finiront pas tomber de leur balcon doré et se retrouveront mêlés au peuple qui lutte non pas pour vivre mais pour survivre. Une différence de taille qui montre que l’homme applique plus que jamais la loi de la jungle économique : l’argent est le maître d’une civilisation d’esclaves.

Si ceux qui ne travaillent pas sombrent plus rapidement que d’autres dans la précarité et la misère, on constate également que de plus en plus de personnes accumulent deux voire trois emplois en même temps pour pouvoir affronter la terrible réalité de la vie sociale mais en rencontrant encore de grands problèmes. Les fins de mois difficiles engendrent des horribles faims de mois. Les restaurants sociaux deviennent à la mode tandis que la solitude et le froid emprisonnent durablement un peu plus d’existences chaque jour.

Les premières victimes de cette situation sont les mères célibataires, les personnes d’origines étrangères et les individus qui bénéficient des petites pensions. Les distances qui nous séparent de la pauvreté s’amenuisent : certains de ceux qui vivaient dans l’insouciance hier s’angoissent de demain, pour eux comme pour leurs proches. Et cela ne risque pas de s’arranger car une grande inquiétude par rapport à l’avenir laisse à penser que les conditions de vie sont très bonnes vu ce qui semble attendre les générations futures…

Pourtant, pas mal de gens s’imaginent encore être immunisés contre ce phénomène et ils continuent à vivre comme si de rien n’était. Là où l’insouciance a prit le contrôle de l’esprit, il n’y a plus aucune logique, mais le retour à la réalité risque d’être brutal et désagréable. Tout le monde peut être touché par la pauvreté, c’est une maladie qui ne fait pas de distinction entre les individus, sauf si vous possédez le remède miracle : de l’argent, beaucoup d’argent. Les évidences actuelles de certains sont des luxes pour ceux qui vivent dans la misère car être pauvre, cela veut dire ne pas partir en vacances, même pour une semaine, mais aussi hésiter à inviter des amis une fois par mois ; c’est aussi ne pas pouvoir se chauffer, s’alimenter correctement ou s’offrir le moindre confort élémentaire. Pour eux, chaque fin de mois est délicate, surtout les trente derniers jours ! Fin de mois ou fin de moi, comment survivre dans la fragilité ?

Ce n’est plus la peine de se voiler la face en s’imaginant que la pauvreté, c’est pour les autres. En Belgique, environ 3 millions de personnes vivent dans la précarité. Un Belge sur quatre ! Et ce chiffre est en constante augmentation. Il est grand temps d’agir les uns pour les autres pour que chacun puisse vivre dans le respect, la liberté et la dignité.


« La liberté et la dignité humaine doivent être effectives, et il ne sert à rien de dire
que chacun doit vivre libre s’il n’a pas les moyens de vivre. »

Henri Leclerc, extrait de la revue Le Monde de l’éducation (juillet – août 2001)





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